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Freiburg

Rose

« La douce caresse de la brise estivale réveille la vieille dame que je suis aujourd’hui. L’air, lourd, qui me balance délicatement, me rappelle que la saison chaude est bien installée.

Celle-ci n’a rien d’anodin pour nous, la sécheresse et l’intensité du soleil sur nos peaux délicates qui s’en résultent ne pardonnent pas au plus jeune ni au plus vieux ; par ailleurs, j’ai appris, à travers mes ancêtres, qu’il fut un temps où elle arrivait beaucoup plus tard dans le cycle. Puis, tout s’est accéléré et notre capacité d’adaptation pourtant éprouvée avec le temps, a eu de plus en plus de mal à suivre le rythme effréné de ces changements.

Malgré toute leur sagesse, les anciens ne sont pas parvenus à comprendre ce qui a provoqué un tel bouleversement dans un flux qui avait pourtant jusqu’ici, une direction simple et facile à comprendre pour nous.

Il y eu un temps de flottement suivi par des disparitions de plus en plus rapide. Vint ensuite la colère, généralisée, face à la disparition de tant de nos congénères sans en comprendre la raison. L’émotion, légitime, n’a cependant pas servi à sauver ceux qui l’auraient peut-être été, si nous avions cherché des solutions à notre survie, plutôt qu’aux responsables de nos maux.

La suite… le désespoir. Le désespoir de notre population de plus en plus restreintes qui se résignait de ne pas voir une solution naître des meilleurs penseurs. La résignation y succèdera et les disparitions exponentielles suivront aux nouveaux cycles. À chaque rapprochement de la période chaude, mon peuple devait disparaître.

Depuis longtemps maintenant j’ai perdu tout contact avec les autres. Je me demande si je suis la dernière représentante, je ne l’espère pas, sinon tout s’éteindra aujourd’hui.

Avant de rendre ma dernière pensée, j’aimerai que quelqu’un puisse entendre que j’ai la conviction, aujourd’hui, qu’il n’est pas nécessaire de comprendre ce qui nous est arrivé. Il y a des éléments qui nous dépassent, qu’on ne peut maîtriser. Mais si nous avions pris le temps de réfléchir à des solutions plutôt qu’à céder aux émotions les plus basiques et les plus confortables… peut-être, en ce moment, serai-je agréablement entouré des miens, tous adaptés, aux règles imposées de notre Terre-Mère. Je fatigue… il est temps pour moi, de m’endormir… pour toujours… »

Entendu aux informations le 14 mars 2120 en Alaska :

« La dernière rose de la terre s’est fanée aujourd’hui »