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Freiburg

Mémoires d'un sapin en détresse

Je péris. Je péris, je me meure, je me désagrège, et je regarde, impuissant, mes aiguilles me quitter. Chaque jour, le sol de la forêt se recouvre de nouveaux cadavres, tapis morbide qui témoigne de nos souffrances. Il me semblait pourtant m’être comporté selon vos attentes ; j’ai protégé vos animaux, j’ai arrêté vos avalanches, je vous ai fourni de quoi respirer mais vous, avez tout détruit. Vos animaux, vous les avez tués. Vos avalanches, vous leur donnez le champ libre pour passer. Votre clé de survie, vous êtes en train de la jeter. 

Bien sûr, notre existence à nous, pauvres sapins, semble bien misérable comparée à la vôtre. Qui se demanderait ce que de simples végétaux, dont la vie ne vaut rien, pourraient penser ? Aveuglés par votre pouvoir sur les évenements, votre semblant de contrôle de la situation, vous fermez les yeux sur tous les désatres que vous causez. C’est des écosystèmes entiers que vous détruisez jour après jour, des centaines d’espèces animales que vous amenez aux portes de l’enfer, des forêts immenses que vous brûlez, des mers de déchets que vous déversez dans les océans et j’en passe. Tout cela pour satisfaire votre besoin malsain de supériorité sur les autres espèces, et sur la terre elle-même. Mais le monde ne vous appartient pas. Ecraser les autres espèces pour faire briller la vôtre ne vous aidera pas. C’est maintenant que vous devez agir, maintenant que vous devez réparer vos erreurs. Mais pourtant, vous ne faites rien, ou trop peu. 

Et oui, le temps de prendre conscience de vos problèmes, il sera trop tard. Lorsque vous nous aurez abattus jusqu’au dernier, lorsque que vous aurez augmenté la température jusqu’à tous nous brûler, lorsque vous serez les derniers à régner en maître, vous crierez au ciel et aux étoiles « Voilà, j’ai réussi, j’ai gagné ! » et vous vous demanderez ce que tout cela vous aura apporté. Ce jour-là, vous comprendrez. Mais bien sur, ce n’est que trop tard que vous regretterez.